Percer du carrelage sans le fissurer, c’est un peu comme marcher sur des œufs avec des rangers : possible, mais pas au hasard. Entre les carreaux en grès cérame durs comme de la pierre, la peur de tout éclater et les chevilles qui ne tiennent pas… on comprend vite pourquoi certains finissent par renoncer.
La bonne nouvelle, c’est qu’avec les bons forets, les bons réglages et quelques astuces de pro, tu peux percer proprement sans transformer ta salle de bain en chantier de démolition. On va voir ça ensemble, étape par étape, comme si on préparait un gabarit sur l’établi.
Comprendre le carrelage que tu vas percer
Avant de sortir la perceuse, il faut savoir à qui on a affaire. Tous les carreaux ne réagissent pas pareil.
Les principaux types de carrelage :
- Faïence : carrelage mural, assez tendre, émaillé. Facile à percer, mais l’émail éclate vite si tu vas trop fort.
- Carrelage grès cérame émaillé : plus dur, souvent au sol (salle de bain, cuisine), avec une couche d’émail en surface.
- Grès cérame pleine masse : très dur, parfois quasi inrayable. C’est le client relou du lot, mais on peut le dompter.
- Carrelage imitation pierre ou marbre : souvent du grès cérame aussi, mais avec une finition plus délicate en surface.
Plus le carrelage est dur et épais, plus :
- il faudra un foret adapté et de qualité,
- avancer doucement,
- gérer la chaleur (sinon le foret rend l’âme ou l’émail éclate).
Tu n’es pas sûr du type de carrelage ? Regarde la notice du fabricant (quand on l’a gardée…) ou observe : un grès cérame est souvent très dense, lourd, et le motif traverse parfois toute l’épaisseur.
Le matériel indispensable pour percer sans fissurer
On ne part pas au combat sans vérifier son outillage. Voici ce qu’il te faut pour travailler proprement :
- Perceuse :
- à vitesse variable,
- sans percussion pour attaquer le carrelage (on verra ensuite ce qu’on fait pour le support derrière).
- Forets adaptés au carrelage (on détaille ça juste après).
- Ruban de masquage (type adhésif de peintre) pour éviter que le foret ne ripe.
- Crayon ou feutre fin pour le marquage.
- Pulvérisateur d’eau ou petite éponge humide pour refroidir le foret sur les carrelages durs.
- Chevilles adaptées au support derrière (placo, brique, béton… pas au carrelage lui-même).
- Chiffon et éponge : ça évite que la poussière ne colle partout.
- Éventuellement un gabarit (morceau de bois avec un trou) pour guider le foret si tu n’es pas à l’aise.
Petit rappel de sécurité : lunettes obligatoires. Un éclat de carrelage dans l’œil, ça gâche vite la journée.
Choisir le bon foret pour le carrelage
Le choix du foret, c’est 50 % du résultat. Le reste, c’est le geste.
Les types de forets que tu vas rencontrer :
- Foret à pointe de lance (verre / carrelage) :
- Forme de flèche ou de lance en carbure,
- pratique pour faïence et carrelages muraux,
- idéal pour faire les premiers millimètres dans l’émail sans glisser.
- Forets béton au carbure (Widia) :
- Avec tête renforcée,
- à utiliser sans percussion pour traverser le carrelage,
- puis éventuellement avec percussion une fois dans le mur derrière (selon le support).
- Forets diamantés pour carrelage :
- Souvent en forme de trépans (couronnes),
- indispensables pour le grès cérame très dur ou les gros diamètres (passage de tuyaux, etc.),
- se travaillent généralement à basse vitesse avec refroidissement à l’eau.
Une combinaison qui marche très bien :
- Foret spécial carrelage (pointe de lance) pour percer l’émail en surface,
- puis foret béton carbure du bon diamètre pour terminer le trou dans le mur.
Évite les forets bas de gamme : sur du grès cérame, tu les “crames” en un trou et tu passes plus de temps à forcer qu’à percer.
Préparer le perçage : marquage et protections
Avant de planter ton premier coup de perceuse, il y a deux-trois petits gestes qui changent tout.
1. Repérer ce qu’il y a derrière le carrelage
- Murs de salle de bain : attention aux canalisations, gaines électriques, etc.
- Utilise un détecteur de matériaux si tu en as un, ou au moins un peu de bon sens : évite de percer juste dans l’axe d’un robinet ou d’un interrupteur.
2. Marquage propre
- Nettoie rapidement le carreau (graisse, poussière).
- Colle un petit morceau de ruban de masquage là où tu veux percer.
- Marque ton point au crayon sur le ruban. Ça évite que la pointe du foret glisse sur l’émail.
3. Soutenir le carrelage si possible
- Pour du carrelage neuf non encore posé (à l’atelier, par exemple), pose-le sur un support rigide et plat (panneau de bois, mousse dense).
- Plus le carreau est bien plaqué, moins il risque de vibrer et fissurer.
Réglages de la perceuse : la calmer pour mieux percer
Le réflexe de beaucoup, c’est : “je mets à fond, ça ira plus vite”. C’est justement comme ça qu’on casse tout. Sur du carrelage, la devise, c’est : douceur et contrôle.
Mode de perçage :
- Sans percussion pour traverser le carrelage.
- Tu peux activer la percussion uniquement une fois dans le mur derrière, si c’est un support dur (béton, parpaing).
Vitesse de rotation (à ajuster en fonction du matériau) :
- Faïence / carrelage mural :
- Vitesse moyenne,
- on appuie légèrement, en laissant le foret mordre doucement.
- Grès cérame / carrelage dur :
- Vitesse plutôt
(évite le plein régime), - refroidissement à l’eau recommandé sur les longs perçages ou gros diamètres,
- pression modérée mais constante.
- Vitesse plutôt
Avec une perceuse sans fil, reste sur un mode vitesse lente et utilise un foret bien affûté. Une perceuse filaire donnera en général un peu plus de couple, ce qui est appréciable sur du carrelage très dur.
La technique pour percer un carrelage mural sans le fissurer
Allez, on passe au concret. Imaginons que tu veux fixer un support de douche, un meuble de salle de bain, ou une étagère dans la cuisine.
1. Positionnement et angle d’attaque
- Place la pointe du foret sur ton marquage (sur le ruban de masquage).
- Commence avec un angle très léger (juste un peu incliné) pour “accrocher” l’émail.
- Une fois que le foret a commencé à mordre, redresse progressivement la perceuse pour être bien perpendiculaire au carrelage.
2. Percer la couche d’émail
- Garde une vitesse moyenne et une pression légère.
- Ne bouge pas la perceuse latéralement : tout mouvement parasite peut faire éclater l’émail.
- Une fois l’émail passé, tu sens que ça “rentre” un peu plus facilement.
3. Traverser le support derrière
- Quand tu arrives au mur derrière, stoppe un instant.
- Si tu dois percer plus profond dans un mur dur (béton, parpaing) :
- tu peux alors changer de foret pour un foret béton dédié,
- activer la percussion uniquement une fois que tu es bien dans le support (plus dans le carrelage).
- Perce à la profondeur nécessaire à la cheville (pense au petit coup de marqueur sur le foret pour repère de profondeur).
4. Finitions du trou
- Retire doucement le foret en le laissant tourner, sans à-coups.
- Souffle ou aspire la poussière, puis essuie avec un chiffon.
- Si le bord du trou est un peu vif, un petit coup de lame (doucement) ou de papier abrasif fin peut éliminer les petites bavures.
Cas du carrelage au sol : attention à la fissuration
Pour un carrelage au sol (pose de seuils, fixations, etc.), la logique est la même, mais le risque de fissure en étoile est un peu plus présent, surtout si le carrelage est mal collé.
- Vérifie que le carreau est bien solide et stable (pas de “clac” creux en tapotant).
- Procède avec encore plus de douceur sur les premiers millimètres.
- Si tu dois faire un gros diamètre (passage de tuyau, par exemple), privilégie un trépan diamanté et refroidis régulièrement avec un peu d’eau.
- Pour un trou proche du bord du carreau au sol, évite de forcer : ce sont les cas où les carreaux fissurent le plus facilement.
Gérer les cas particuliers : grès cérame, bords de carreaux, joints
Tous les trous ne se valent pas. Certains demandent un peu plus de doigté.
1. Le grès cérame très dur
- Utilise un foret diamanté ou carbure haut de gamme.
- Vitesse plutôt lente, avec refroidissement à l’eau :
- un pulvérisateur,
- ou quelqu’un qui apporte un filet d’eau pendant que tu perces (sans arroser la perceuse, évidemment).
- N’hésite pas à faire des pauses pour laisser refroidir foret et carrelage.
2. Percer près d’un bord de carreau
- Évite autant que possible de percer trop près du bord (moins de 2 cm, c’est risqué).
- Si tu n’as pas le choix :
- redouble de douceur sur la pression,
- ne mets surtout pas de percussion, même dans le support derrière (au moins au début),
- monte en profondeur très progressivement.
3. Percer dans un joint plutôt que dans le carreau
- Si ton entraxe te le permet, percer dans le joint est souvent plus simple :
- tu peux utiliser directement un foret béton,
- le risque de fissure est plus faible,
- par contre, le joint peut s’ébrécher un peu : un petit réagréage de joint après n’est pas un luxe.
Les erreurs à éviter absolument
Pour gagner du temps, autant éviter les classiques qui font voler les carreaux en éclats.
- Mettre la percussion dès le départ :
- C’est le meilleur moyen de fissurer l’émail.
- La percussion, c’est uniquement pour le mur derrière, une fois le carrelage traversé.
- Utiliser un foret bois ou métal :
- Ils vont glisser sur l’émail, chauffer, brûler ou se bouffer la pointe,
- et au final tu abîmes tout pour rien.
- Forcer comme un bourrin :
- La perceuse doit travailler, pas tes biceps.
- Une pression trop forte = micro-fissures, éclats, foret qui chauffe et s’émousse.
- Perçage à pleine vitesse non contrôlée :
- Surtout sur carrelage dur, ça fait chauffer le foret et l’émail,
- ce qui favorise les éclats et réduit la durée de vie du foret.
- Ne pas repérer ce qu’il y a derrière le carrelage :
- Un coup dans une canalisation ou une gaine électrique, et tu oublies ton support de douche pour la journée…
Les petites astuces de pro qui font la différence
C’est souvent dans les détails qu’on reconnaît un boulot propre. Voilà quelques habitudes que j’ai prises sur les chantiers.
- Commencer petit, finir au bon diamètre :
- Fais un pré-trou avec un petit foret (4 ou 5 mm),
- puis repasse au diamètre final (6, 8 mm, etc.),
- ça limite les efforts et les risques d’éclat.
- Utiliser un gabarit :
- Pour les bricoleurs moins à l’aise, un petit gabarit en bois ou en plastique avec un trou du bon diamètre posé contre le carrelage empêche le foret de partir en balade.
- Refroidir régulièrement :
- Sur du grès cérame, un petit coup de pulvérisateur d’eau toutes les 5–10 secondes de perçage fait vraiment la différence,
- tu entends le foret “travailler mieux” et tu le gardes plus longtemps.
- Nettoyer tout de suite après perçage :
- La poussière de carrelage et de ciment colle vite,
- un coup d’éponge humide et ton trou est propre, prêt pour la cheville et la fixation.
- Adapter la cheville au support, pas au carrelage :
- Le carrelage, ce n’est qu’un revêtement,
- la tenue se fait dans le mur derrière : choisis des chevilles adaptées (placo, béton, brique creuse, etc.).
Entretenir ses forets à carrelage pour les garder longtemps
Un bon foret, ça se respecte. Et ça coûte toujours moins cher que de remplacer des carreaux fissurés.
- Évite la surchauffe :
- C’est la cause numéro un de mort prématurée des forets,
- n’hésite pas à faire des pauses et à arroser un peu.
- Nettoie après usage :
- Essuie la poussière de carrelage et de ciment,
- stocke les forets au sec pour éviter l’oxydation.
- Réserve un jeu de forets aux matériaux durs :
- Ne passe pas d’un carrelage en grès cérame à un perçage “bourrin” dans du béton armé avec le même foret,
- garde un jeu “propre” pour les carrelages, tu gagneras en précision et en durée de vie.
Percer du carrelage sans le fissurer, ce n’est ni de la magie ni un don réservé aux pros. C’est surtout une question de préparation, de forets adaptés et de geste maîtrisé. En prenant ton temps, en coupant la percussion au bon moment et en laissant la perceuse travailler plutôt que tes bras, tu peux fixer ton meuble de salle de bain ou ton porte-serviette sans trembler à chaque trou.
Et la prochaine fois que quelqu’un te dira “je n’ose pas percer, j’ai peur de casser le carrelage”, tu sauras exactement quoi lui répondre… ou lui montrer directement, perceuse en main.


