Remettre à nu un bois qui a mangé de la lasure pendant des années, c’est un peu comme rajeunir une vieille maison : ça demande de l’huile de coude, un peu de méthode, et les bons outils. Volets qui pèlent, bardage qui a noirci, charpente encrassée… si la lasure se fait la malle par plaques, c’est le signe qu’il est temps de repartir sur une base propre.
Dans cet article, on va voir ensemble comment décaper efficacement la lasure sur le bois, sans massacrer le support. On va parler chimique, thermique, mécanique, sécurité, et petits trucs de terrain pour éviter les pièges classiques.
Comprendre ce qu’on veut enlever : la lasure, amie ou ennemie ?
Avant de sortir les gros moyens, deux mots sur la lasure. Contrairement à la peinture, elle pénètre dans le bois et laisse apparaître le veinage. Résultat :
- Elle s’incruste dans les fibres (surtout les lasures anciennes à base solvant).
- Elle vieillit en se dégradant par zones (soleil, pluie, UV).
- Elle peut être en finition filmogène (aspect “vernis”) ou très mate, plus fine.
Pourquoi c’est important ? Parce que plus la lasure est ancienne, épaisse ou “filmogène”, plus le décapage sera musclé. Sur des volets ou bardages très exposés, on a souvent un panaché de :
- Zones à nu.
- Zones encore bien brillantes.
- Zones grisées ou noircies.
C’est ce mélange qui rend le décapage un peu sportif… mais pas insurmontable si on s’organise.
Avant de commencer : vérifier l’état du bois
Décaper n’a de sens que si le bois en dessous tient encore la route. Deux gestes simples pour vérifier :
- Coup de tournevis : plante légèrement la pointe dans une zone discrète (bas de volet, pied de bardage). Si ça s’enfonce comme dans du beurre, le bois est pourri ou très attaqué.
- Brossage énergique : avec une brosse métallique ou nylon dure. Si les fibres se défont et font de la “moumoute”, il faudra peut-être envisager un remplacement partiel plutôt qu’un simple décapage.
Si le bois est sain, même s’il est moche, on peut attaquer. Sinon, on prévoit aussi du changement de lames, de planches ou de pièces de charpente.
Les grandes familles de techniques de décapage
On peut décaper la lasure de trois grandes façons :
- Décapage chimique : produits gélifiés ou liquides qui ramollissent la lasure.
- Décapage thermique : pistolet à air chaud, voire infrarouge sur certains systèmes plus haut de gamme.
- Décapage mécanique : ponçage, brossage, sablage léger…
Dans la pratique, on combine souvent plusieurs méthodes. Par exemple : décapant chimique + racloir, puis ponçage fin. Ou pistolet thermique sur les zones épaisses, puis ponçage.
Décapage chimique : efficace, mais à manier avec respect
Le décapant chimique a un gros avantage : il ramollit la lasure sans attaquer trop fort le bois si on respecte les consignes.
Où c’est adapté ?
- Volets démontés et posés à plat.
- Petites surfaces travaillées à l’ombre.
- Bois sculptés ou moulurés (on évite les gros ponçages qui massacrent les détails).
Comment procéder :
- Protection d’abord :
- Lunettes, gants résistants aux produits chimiques, vêtements à manches longues.
- Bâche au sol si tu travailles sur une terrasse ou au-dessus d’un carrelage.
- Application du décapant :
- Choisis un décapant spécial lasures ou bois extérieur.
- Applique au pinceau large, en couche généreuse, sans tirer comme une peinture.
- Travaille par petites zones (0,5 à 1 m²), surtout s’il fait chaud.
- Temps de pause :
- Respecte scrupuleusement le temps indiqué (généralement 15 à 45 minutes).
- Observe : la lasure se boursoufle, ramollit, devient pâteuse.
- Grattage :
- Utilise un couteau à enduire, un racloir ou un grattoir à bois.
- Tire la lasure ramollie dans le sens des fibres.
- Nettoie régulièrement ton outil dans un seau (vieux chiffon, sciure, etc.).
- Nettoyage du support :
- Certains décapants se rincent à l’eau (parfois avec un peu de savon), d’autres à l’alcool ou au white-spirit.
- Suivre la notice, sinon bonjour les réactions bizarres au moment de remettre une nouvelle lasure.
Limites du chimique :
- Sur de grandes surfaces de bardage ou une charpente, ça devient vite galère (et cher).
- Les produits sont parfois costauds pour l’environnement : récupérer les résidus, ne pas les jeter n’importe où.
- Il faut un bon rinçage, sinon la future finition peut mal adhérer.
Décapage thermique : à manier avec doigté
Le pistolet à air chaud peut être une bonne solution pour enlever une lasure très épaissie ou en finition un peu vernie. Mais attention : le bois n’aime pas trop les grosses surchauffes.
Dans quels cas l’utiliser ?
- Volets épais, montants de portes, huisseries massives.
- Bois pas trop résineux (certaines résineux peuvent “buller” ou exsuder en chauffant trop).
Comment faire proprement :
- Réglage du pistolet :
- Pas besoin de le mettre au max. Une température moyenne suffit souvent.
- Teste sur une petite zone discrète.
- Mouvement constant :
- Ne reste pas en statique au même endroit, tu risques de brûler le bois.
- Balaye à 5–10 cm du support, jusqu’à ce que la lasure ramollisse.
- Grattage immédiat :
- Racle la lasure ramollie aussitôt avec un grattoir ou un couteau de peintre.
- Procède zone par zone, sans précipitation.
Les points de vigilance :
- Risque d’incendie sur de vieux bois secs ou à proximité d’isolants, de papiers, de poussières.
- Ne jamais utiliser près d’une charpente isolée avec des matériaux sensibles à la chaleur (polystyrène, laine minérale très poussiéreuse, etc.).
- Sur des bardages minces, tu peux déformer les lames en chauffant trop fort.
Pour les charpentes, on évite généralement le thermique, surtout dans les combles, sauf si vraiment on sait ce qu’on fait et que tout est bien dégagé.
Décapage mécanique : ponçage, brossage, sablage léger
C’est la méthode la plus “physique”, mais aussi la plus courante. Le principe : on enlève, couche après couche, la lasure et le bois abîmé en surface.
Le ponçage
Pour des volets, des poutres apparentes, des bardages accessibles :
- Choix des grains :
- Commence en général au grain 80 ou 100 pour enlever le gros.
- Termine au grain 120 à 150 pour un support prêt à relasure.
- Types de ponceuses :
- Ponceuse vibrante ou excentrique pour les grandes surfaces.
- Ponceuse triangulaire pour les angles et moulures.
- Quelques zones à faire à la main, ça arrive toujours.
- Gestes à adopter :
- Toujours dans le sens du fil du bois.
- Ne pas appuyer comme un bourrin : laisse la machine travailler, sinon tu creuses.
- Épousseter régulièrement pour voir où tu en es vraiment.
La brosse métallique ou nylon
Très utile sur du bardage ou des poutres rustiques, quand on veut garder un aspect un peu “brut” :
- Brosse métallique laiton ou acier souple sur perceuse ou visseuse.
- On suit le fil du bois pour enlever la lasure et les fibres mortes.
- À éviter sur les bois tendres si tu veux un aspect bien lisse : ça creuse les veines.
Le sablage ou aérogommage
C’est une technique pro (ou de gros bricoleur équipé) : projection de sable ou granulats à basse pression pour décaper le bois sans trop l’abîmer. Parfait pour :
- Charpentes intérieures.
- Grands bardages.
- Poutres anciennes très sculptées.
Inconvénient : il faut le matériel (ou faire venir quelqu’un), et c’est très poussiéreux. Mais pour une charpente complète, c’est souvent ce qu’il y a de plus rapide et homogène.
Cas pratiques : volets, bardages, charpentes
Remettre à nu des volets en bois
Les volets, c’est typiquement le chantier qu’on se garde pour le printemps, quand il ne fait ni trop froid ni trop chaud.
Étapes type :
- Démontage :
- On dépose les volets, on les pose à plat sur des tréteaux.
- On enlève, si possible, les ferrures pour travailler proprement (ou on les protège au ruban adhésif).
- Décapage principal :
- Soit décapant chimique + raclage si la lasure est épaisse.
- Soit ponçage direct si la lasure est déjà bien fatiguée.
- Finitions :
- Ponçage au grain fin (120–150) pour lisser.
- Soufflette ou brosse douce pour enlever la poussière.
- Réparations :
- Reboucher les petits trous (insectes, fissures) avec pâte à bois extérieure.
- Changer une lame si elle est vraiment cuite en pied.
Astuce de terrain : profite du décapage pour vérifier
Remettre à nu un bardage extérieur
Le bardage, c’est une autre histoire : grandes surfaces, souvent en hauteur, et bois plus fins que sur un volet.
Avant de te lancer :
- Vérifie bien l’état des fixations, des lames fendues, des zones où l’eau stagne.
- Prévois un échafaudage ou, à minima, une bonne plateforme. Faire ça de l’échelle, c’est la mauvaise idée par excellence.
Stratégie de décapage :
- Évite les produits chimiques en grande surface de mur :
- Ça coule, ça fait des coulures sur tout le bas du bardage.
- Le rinçage est compliqué et gourmand en eau.
- Privilégie mécanique ou sablage léger :
- Brosseuse sur perceuse ou visseuse.
- Ponceuse excentrique sur les parties bien accessibles.
- Éventuellement, faire intervenir un pro équipé en aérogommage si le bardage est très grand.
Point important : sur un bardage, on ne cherche pas forcément à revenir au “neuf de scierie” sur toute la surface. L’objectif, c’est :
- Dégager les anciennes couches non adhérentes.
- Retirer le bois gris et trop abîmé en surface.
- Obtenir une surface propre, cohérente, prête à recevoir une nouvelle protection.
Si le bardage est trop fatigué par endroits (partie basse, angles, jonctions avec les menuiseries), mieux vaut parfois changer quelques lames et repartir sur du propre que de s’acharner.
Remise à nu d’une charpente : le cas sérieux
La charpente, c’est encore un cran au-dessus : bois souvent anciens, sections épaisses, accès parfois acrobatique, poussières à gogo.
Objectif réel : rarement de revenir à un bois “neuf”, mais plutôt :
- Enlever les lasures ou badigeons en fin de vie.
- Dégager les fibres mortes, poussières et vieilles saletés.
- Permettre un traitement fongicide/insecticide et, éventuellement, une finition propre visible (poutres apparentes).
Techniques adaptées :
- Brossage intensif :
- Brosse métallique sur perceuse ou brosseuse électrique.
- Travail dans le sens des fibres, en protégeant bien les yeux et les voies respiratoires.
- Aérogommage / sablage :
- Idéal pour les grandes charpentes visibles (salons cathédrale, granges rénovées).
- Fait ressortir les veines du bois, effet très authentique.
Le ponçage classique est parfois possible sur des poutres basses et accessibles, mais sur des charpentes hautes, on atteint vite les limites en termes de confort et de sécurité.
Sécurité, météo et petites erreurs à éviter
Quelques points qu’on oublie vite… jusqu’au moment où ça pique.
- Protection respiratoire :
- Anciennes lasures = solvants, poussières fines, parfois vieux traitements bois pas très sympas.
- Masque FFP2 ou P3 vivement conseillé en ponçage, brossage, sablage.
- Gestion de la météo :
- On ne décape pas en plein cagnard : les décapants sèchent, les bois chauffent, les outils collent.
- Évite aussi les jours très humides si tu prévois de relasurer rapidement derrière.
- Ne pas trop entamer le bois :
- Garde en tête que tu ne dois pas arracher 2 mm de bois à chaque passage de ponceuse.
- Sur des volets déjà anciens, on peut vite les amincir sérieusement.
- Tester avant de tout faire :
- Teste toujours la méthode choisie sur une petite zone discrète.
- Tu verras aussitôt si le bois supporte bien la méthode, si le rendu te plaît, et si ça vaut le coup sur toute la surface.
Préparer le bois pour la nouvelle lasure
Une fois la lasure décapée, le travail n’est pas tout à fait fini. C’est un peu comme débarquer de chantier sans ranger les outils : ça laisse un goût d’inachevé.
Les dernières étapes clés :
- Ponçage de finition :
- Grain 120 à 150, dans le sens du bois.
- Objectif : homogénéiser le support et enlever les dernières aspérités.
- Dépoussiérage sérieux :
- Aspirateur + brosse ou chiffon microfibre.
- Pas de soufflette seule à l’intérieur : tu respires tout derrière.
- Traitement éventuel :
- Sur charpente ou bois extérieur sensibles, application d’un traitement insecticide/fongicide adapté.
- Respecter temps de séchage avant lasure.
- Choix de la nouvelle lasure :
- Extérieur : privilégier des lasures microporeuses, spécial bois exposés.
- Adapter la teinte : plus le bois a vécu, plus une teinte légèrement soutenue pardonnera les petites irrégularités.
Sur des volets que j’ai repris après 20 ans de service, par exemple, impossible d’avoir un rendu “sorti d’usine” partout. En repartant sur une teinte un poil plus soutenue et en acceptant un peu de “vécu” du bois, le résultat était bien plus harmonieux que si j’avais cherché la perfection chirurgicale.
En résumé : choisir sa méthode comme on choisit son outil
Pour remettre à nu volets, bardages et charpentes, la clé n’est pas de trouver la méthode “miracle”, mais celle qui colle :
- À l’état du bois (sain, fissuré, très abîmé ou non).
- À la surface à traiter (quelques volets ou une façade entière).
- À ton équipement (ponceuses, brosses, pistolet thermique, possibilité de louer du matériel).
- À ton temps disponible et à ton envie d’y mettre de l’huile de coude.
Décapant chimique pour les détails et les volets très encrassés, ponçage et brossage pour la majorité des travaux, sablage pour les gros chantiers ou les belles charpentes : en combinant tout ça avec un peu de patience, on redonne une deuxième vie au bois, sans le martyriser.
Et une fois que tu auras remis ton premier volet à nu et qu’il ressortira avec ses veines bien dessinées, tu verras : l’odeur du bois brut et le toucher du support propre donnent vite envie d’attaquer le suivant.


