Les vieux parquets, c’est un peu comme les anciens compagnons de chantier : ils grincent, ils ont leurs humeurs, mais ils ont surtout un charme qu’aucun stratifié ne remplacera jamais. Si tu as la chance d’en avoir un chez toi, le meilleur moyen de le nourrir et de le protéger, c’est l’encaustique.
On va voir ensemble comment fabriquer toi-même une encaustique « maison », avec des recettes dignes des pros, et surtout comment l’appliquer pour redonner vie à ton parquet ancien sans l’étouffer sous du plastique.
Encaustique, cire, vitrificateur : on parle de quoi exactement ?
Avant de sortir les casseroles, deux mots sur ce qu’est vraiment l’encaustique.
L’encaustique, c’est un mélange de cire (souvent cire d’abeille), d’huiles et parfois d’essences (térébenthine, agrumes, etc.). Elle sert à :
- nourrir le bois en profondeur,
- le protéger des taches et de l’humidité légère,
- lui donner une jolie patine satinée.
Contrairement à un vitrificateur qui crée un film dur et brillant en surface, l’encaustique laisse respirer le bois. Résultat :
- le parquet garde son aspect naturel,
- il « vit », marque un peu, se patine… bref, il a du caractère.
Si tu cherches un sol façon showroom, miroir et zéro marque : ce n’est pas la bonne voie. Si tu veux un parquet qui a une âme, si.
Les bases d’une bonne encaustique maison
Une encaustique simple, efficace et pro repose sur trois ingrédients principaux :
- La cire : cire d’abeille en pépites, en bloc à râper ou en pastilles. C’est elle qui apporte la protection et la brillance.
- L’huile : elle va nourrir le bois et fluidifier le mélange. On utilise souvent :
- huile de lin (classique, pas chère, efficace),
- ou huile de tung (plus chère, mais plus résistante à l’eau).
- Le solvant : pour rendre la cire plus pénétrante et facile à étaler. Traditionnellement :
- essence de térébenthine pure gemme,
- éventuellement un solvant d’agrumes (plus cher, mais odeur plus douce).
En gros : cire = protection / huile = nutrition / solvant = facilité d’application.
Recette d’encaustique traditionnelle pour parquets anciens
Voici une recette assez classique, que j’ai déjà utilisée sur des vieux planchers en chêne et en pin de maison de campagne. Elle donne une encaustique ferme, qui se prélève au chiffon ou à la mèche de coton.
Ingrédients (pour environ 1 kg d’encaustique) :
- 400 g de cire d’abeille (jaune ou blanchie selon la teinte souhaitée),
- 300 ml d’huile de lin cuite ou standolie (huile épaissie, qui jaunit moins),
- 300 ml d’essence de térébenthine pure gemme.
Matériel nécessaire :
- un vieux récipient métallique ou un bocal en verre type confiture,
- un bain-marie (casserole + eau),
- une spatule en bois ou métal,
- une balance de cuisine,
- des gants et un masque (térébenthine = odeur forte + vapeurs),
- un couvercle hermétique pour conserver ton mélange.
Étapes de préparation :
1. Faire fondre la cire au bain-marie
Râpe ou coupe la cire en petits morceaux si elle est en bloc. Place-la dans ton récipient au bain-marie, feu doux à moyen. Laisse fondre doucement en remuant de temps en temps. Évite de chauffer trop fort : la cire n’aime pas les coups de chaud.
2. Ajouter l’huile
Quand la cire est totalement fondue, ajoute l’huile de lin en filet, en mélangeant bien. Tu obtiens un liquide homogène, assez fluide.
3. Incorporer l’essence de térébenthine hors du feu
Retire le récipient du bain-marie. Laisse redescendre un peu la température (3 à 5 minutes), puis ajoute progressivement l’essence de térébenthine en mélangeant doucement.
Important : ne fais jamais chauffer la térébenthine directement. On l’ajoute toujours hors du feu pour éviter tout risque d’inflammation inutile.
4. Laisser refroidir et stocker
Verse le mélange encore liquide dans un bocal propre. En refroidissant, il va épaissir et devenir une pâte onctueuse, comme un beurre pommade.
Laisse reposer 24 heures avant utilisation pour que la texture se stabilise.
Variante pro : encaustique dure pour parquets très sollicités
Pour un couloir, un salon très fréquenté ou une pièce avec enfants/chiens/chat qui juge ton parquet comme un terrain de jeu, tu peux durcir ta recette.
Ingrédients (base 1 kg) :
- 300 g de cire d’abeille,
- 100 g de cire de carnauba (beaucoup plus dure, renforce la résistance),
- 300 ml d’huile de tung (ou moitié tung, moitié lin),
- 300 ml d’essence de térébenthine.
La méthode est la même :
- tu fais fondre les deux cires ensemble,
- tu ajoutes l’huile,
- tu termines par la térébenthine hors du feu.
Résultat : une encaustique plus dure, plus résistante à l’abrasion, avec un fini légèrement plus brillant.
Teinter l’encaustique : donner un coup de pouce à la patine
Si ton parquet est un peu terni ou tâché, tu peux légèrement teinter ton encaustique.
Deux options sérieuses :
- pigments naturels (ocres, terres, ombres…) finement broyés,
- ou colorant universel compatible avec les produits à base de solvant (à doser avec prudence).
Procédé :
- ajoute les pigments dans la phase encore tiède, après ajout de la térébenthine,
- mélange bien pour éviter les grumeaux,
- teste sur une chute de bois ou dans un coin discret du parquet avant d’attaquer toute la pièce.
Va-y très léger sur la teinte : on cherche à réchauffer, pas à repeindre le parquet. Quelques pourcents de pigment suffisent souvent largement.
Préparer un parquet ancien avant encaustiquage
La meilleure encaustique du monde ne rattrapera jamais une préparation bâclée. Un parquet ancien, ça se prépare avec un minimum de méthode.
1. Nettoyage profond
- aspire soigneusement (interstices compris),
- dégraisse au besoin avec un mélange eau tiède + savon noir (peu d’eau, chiffon bien essoré),
- laisse bien sécher.
2. Décapage si ancien produit
Si ton parquet a reçu :
- un vieux vitrificateur,
- une peinture,
- un vernis dur et brillant,
l’encaustique ne pénétrera pas. Il faudra :
- soit poncer (solution la plus propre pour repartir sur du sain),
- soit décaper chimiquement, mais c’est plus contraignant et souvent plus sale.
Sur un vieux parquet en bon état juste encrassé, un léger ponçage grain fin (120–150) suffit pour ouvrir les pores du bois et enlever la crasse incrustée.
3. Réparation des lames
- refixe les lames branlantes (vis sur lambourdes, pas seulement des pointes),
- rebouche les gros jours avec un mastic bois adapté ou un mélange pâteux sciure + colle à bois,
- ponce à nouveau les réparations pour égaliser.
Application de l’encaustique : la méthode des pros
Le but, c’est de nourrir sans encrasser. Un parquet bien encaustiqué n’est ni poisseux ni « savonné ». Il est sec au toucher, mais doux et satiné.
1. Dose et outils
Tu peux appliquer l’encaustique avec :
- un chiffon de coton non pelucheux,
- de la mèche de coton,
- un tampon de laine d’acier 000 (qui aide à faire pénétrer dans les fibres).
Prends une petite dose de pâte (taille d’une noix) et étale en couche très fine. C’est le piège classique : on en met trop en pensant protéger davantage… résultat, ça ne sèche jamais bien.
2. Sens d’application
Travaille toujours :
- dans le sens des fibres du bois,
- par petites surfaces (1 à 2 m² à la fois),
- sans laisser de surépaisseur ni de « pâtés ».
Insiste bien sur :
- les zones d’usure (passages fréquents),
- les joints entre lames,
- les petites fentes.
3. Temps de pose
Laisse reposer environ 30 minutes à 1 heure selon la température de la pièce. L’objectif : que le bois absorbe ce dont il a besoin. S’il fait froid, ça peut mettre un peu plus de temps.
4. Lustrage
C’est là que la magie opère. Tu peux lustrer :
- à la main, avec un chiffon propre en coton,
- ou avec une lustreuse/monobrosse équipée d’un pad feutre (plus confortable pour de grandes surfaces).
Le geste : des mouvements circulaires, en appuyant modérément, jusqu’à ce que la surface soit sèche au toucher et légèrement satinée.
Si le chiffon « freine » ou que le parquet reste gras, c’est qu’il y a trop de produit : continue à lustrer pour enlever l’excédent.
Combien de couches sur un parquet ancien ?
Sur un parquet brut ou fraîchement poncé, compte :
- 2 à 3 couches fines espacées de 24 heures,
- avec lustrage soigneux entre chaque couche.
Les premières couches vont littéralement être « bues » par le bois. La dernière donnera l’aspect final, plus uniforme et plus doux.
Sur un parquet déjà encaustiqué, mais fatigué :
- un bon nettoyage,
- 1 couche d’entretien fine,
- puis lustrage suffisent souvent.
Entretien au quotidien d’un parquet encaustiqué
Une fois encaustiqué, ton parquet demande un entretien régulier, mais pas compliqué.
À faire :
- aspirer ou balayer régulièrement (le sable = papier de verre naturel),
- nettoyer ponctuellement avec un chiffon légèrement humide + un peu de savon noir,
- poser des patins sous les pieds de meubles,
- rajouter une petite couche très fine d’encaustique sur les zones de passage tous les 6 à 12 mois.
À éviter absolument :
- les lessives agressives,
- l’eau en quantité (serpillière détrempée = catastrophe dans les joints),
- les détergents multi-usages qui encrassent ou décapent.
Erreurs fréquentes… et comment les rattraper
On va être honnête : l’encaustique, c’est simple, mais ça pardonne moyennement les excès.
Erreur 1 : parquet collant ou gras
Cause : trop de produit ou pas assez de lustrage.
Solution :
- lustrer énergiquement avec un chiffon propre ou une monobrosse,
- si ce n’est pas suffisant, passer un chiffon imbibé très légèrement de térébenthine pour « décrasser », puis relustrer.
Erreur 2 : traces mates et brillantes alternées
Cause : application inégale ou lustrage irrégulier.
Solution :
- appliquer une fine couche supplémentaire sur la zone,
- bien l’étirer sur 1 à 2 lames de plus,
- relustrer uniformément.
Erreur 3 : bois qui boit tout et reste terne
Cause : vieux parquet très sec, fibres ouvertes.
Solution :
- multiplier les couches fines (3 voire 4 sur les zones très sèches),
- éventuellement pré-nourrir avec une huile de lin/tung très diluée à la térébenthine (50/50), laisser sécher, puis encaustiquer.
Sécurité et bonnes pratiques avec les produits
On bricole, mais on garde la tête sur les épaules. L’encaustique maison reste un mélange de cire, d’huile et de solvant.
Précautions de base :
- travaille dans une pièce bien ventilée,
- porte des gants si tu as la peau sensible,
- évite les flammes nues ou cigarettes dans la zone de préparation (térébenthine),
- ferme toujours bien les contenants.
Et surtout, attention aux chiffons imbibés d’huile et d’encaustique : ils peuvent s’échauffer et s’auto-enflammer s’ils sont en boule. Oui, ça arrive vraiment.
Solution :
- étale-les à plat pour les laisser sécher,
- ou stocke-les dans un récipient métallique fermé avant de les jeter.
Sur quels parquets l’encaustique est vraiment idéale ?
L’encaustique est particulièrement adaptée pour :
- les vieux parquets en chêne, châtaignier, pin, sapin,
- les maisons anciennes, les appartements haussmanniens,
- les pièces de vie où l’on veut un rendu chaleureux et authentique.
À éviter si :
- tu veux un sol ultra-protégé sans entretien (dans ce cas, vitrificateur),
- la pièce est soumise aux projections d’eau fréquentes (salle de bain, cuisine « intense »),
- tu n’as vraiment pas le temps de lustrer et d’entretenir un minimum.
Le mot de la fin sur l’encaustique et les parquets anciens
Fabriquer ton encaustique maison, ce n’est pas juste une histoire de recette. C’est aussi une manière de reprendre la main sur ton parquet, de savoir ce que tu mets dessus et de retrouver des gestes un peu oubliés.
Ton vieux plancher, au lieu de finir noyé sous un vernis plastique, retrouve une seconde jeunesse en gardant ses cicatrices, ses nœuds, ses variations de teinte. À chaque couche, à chaque lustrage, tu participes à sa patine.
Prends le temps de faire un petit test dans un coin discret, trouve la texture qui te convient (plus ou moins dure, plus ou moins teintée), et lance-toi. Après tout, entre l’odeur de la cire chaude et le bruit du chiffon qui lustre, on n’est pas loin du bonheur d’atelier.


