Pourquoi s’intéresser à la prise de terre de son installation ?
On ne le voit pas, on ne l’entend pas, et pourtant, c’est un des éléments les plus importants de votre installation électrique : la prise de terre. C’est elle qui évite qu’un appareil défectueux transforme votre lave-linge ou votre perceuse en grille-pain géant. Autant dire qu’elle mérite un minimum d’attention.
Tester sa prise de terre avec un multimètre, c’est un bon réflexe pour vérifier que votre installation n’est pas dangereuse. Ça ne remplacera jamais un diagnostic complet réalisé par un pro avec du matériel dédié, mais c’est un excellent premier contrôle, surtout si :
On va voir ensemble comment faire ces tests pas à pas, sans se mettre en danger, comme si on était tous les deux dans le garage, un café dans une main, le multimètre dans l’autre.
Petit rappel : à quoi sert la prise de terre ?
La prise de terre, c’est ce qui permet à tout courant de fuite (en cas de défaut sur un appareil) de partir vers le sol plutôt que de passer par… vous. Elle est reliée :
En cas de défaut, le courant suit le chemin le plus facile : si la terre est bonne, il part dans le sol et fait déclencher les protections (disjoncteur, différentiel). Si la terre est mauvaise ou absente, le chemin le plus simple, c’est parfois… la main de l’utilisateur.
Moralité : une bonne prise de terre, c’est comme une bonne assurance. On espère ne jamais en avoir besoin, mais le jour où ça sert, on est content qu’elle soit là.
Ce qu’un simple multimètre peut (et ne peut pas) vérifier
Mettons les choses au clair : avec un multimètre classique, vous ne pouvez pas mesurer précisément la résistance de terre (en ohms) comme le ferait un électricien avec un appareil spécialisé (tellurohmètre).
Par contre, vous pouvez :
C’est déjà largement suffisant pour détecter si votre installation est totalement à la ramasse ou à peu près dans les clous. Mais gardez bien en tête : ces tests restent indicatifs.
Avant de commencer : sécurité et matériel nécessaire
On va jouer avec du 230 V. Rien de sorcier si on reste rigoureux, mais il y a quelques règles qu’on ne discute pas.
Matériel nécessaire :
Règles de sécurité :
Et si vous ne vous sentez pas à l’aise avec l’électricité, ne forcez pas : parfois, le meilleur outil, c’est… le téléphone d’un électricien.
Étape 1 : vérifier que la prise a bien une borne de terre
Ça semble évident, mais dans les vieilles maisons, on trouve encore des prises sans terre, ou pire : des prises avec une borne de terre… qui n’est reliée à rien derrière.
Sur une prise française standard :
Si vous avez une prise sans broche de terre dans une pièce où elle devrait être obligatoire (cuisine, salle de bain, etc.), la question ne se pose même pas : rénovation à prévoir.
Étape 2 : mesurer la tension entre phase et neutre
On commence par le classique, histoire de vérifier que votre multimètre et votre prise racontent la même histoire.
Réglage du multimètre :
Mesure :
Vous devriez trouver une valeur autour de 230 V (entre 220 et 240 V, c’est normal selon les variations du réseau).
Si vous ne trouvez rien ou une valeur très bizarre, le problème est plus large que la simple prise de terre. Dans ce cas, on laisse tomber les tests maison et on appelle un pro.
Étape 3 : repérer la phase
Pour la suite, c’est plus pratique de savoir de quel côté se trouve la phase. En théorie, la phase est à droite quand on regarde la prise de face, mais sur certaines installations anciennes, ce n’est pas toujours respecté.
Comment faire :
Vous devriez mesurer environ 230 V entre la phase et la terre, et une tension proche de 0 V entre le neutre et la terre.
Donc :
Si vous trouvez 230 V dans les deux sens ou des valeurs incohérentes, on commence à entrer dans la catégorie « installation douteuse ». Notez vos observations, ça aidera un électricien par la suite.
Étape 4 : vérifier la présence de la terre sur la prise
Maintenant qu’on sait où est la phase, on va justement vérifier la tension entre cette phase et la terre. Ce test permet de voir si la terre est au moins raccordée à quelque chose.
Étapes :
Vous devriez obtenir une tension proche de celle mesurée entre phase et neutre, donc environ 230 V.
Si vous obtenez :
Ce test ne dit pas si la terre est « bonne », mais au moins, il permet de savoir si elle existe et si elle est reliée au réseau.
Étape 5 : mesurer la tension entre neutre et terre
Ce test est tout simple, mais très parlant pour voir si la terre est globalement bien référencée au neutre.
Étapes :
Idéalement, vous devriez lire une tension proche de 0 V. En pratique, il peut y avoir quelques volts (2–4 V) dus aux chutes de tension et aux courants de fuite normaux.
Si vous lisez :
Là encore, ce n’est pas une mesure « professionnelle », mais c’est une bonne jauge pour vous alerter.
Étape 6 : tester la continuité de la terre (hors tension)
Ici, on va travailler hors tension pour vérifier que la broche de terre de votre prise est bien reliée à la barrette de terre ou au bornier de terre du tableau. On parle de continuité.
Important : pour cette étape, on coupe le courant.
Réglage du multimètre :
Étapes :
Le multimètre doit afficher une résistance très faible (proche de 0 ohm) ou émettre un bip en mode continuité. Ça veut dire que la terre de cette prise est bien reliée au circuit de terre de la maison.
Si vous lisez :
Profitez-en pour vérifier le serrage des conducteurs dans la prise (toujours hors tension, évidemment). Un fil de terre qui se balade, ça arrive plus souvent qu’on ne le croit.
Ce que ces tests vous disent… et ce qu’ils ne vous disent pas
Avec ces différentes mesures, vous pouvez déjà savoir si :
Ce que vous ne savez pas en revanche :
Pour ces points-là, il faut passer par un équipement spécifique et/ou un électricien qualifié. Disons que vos tests au multimètre, c’est une sorte de contrôle technique maison avant le contrôle technique officiel.
Quelques signes qui doivent vous alerter
Même sans multimètre, certains symptômes doivent immédiatement vous mettre la puce à l’oreille :
Dans tous ces cas, le test au multimètre est un bon début, mais il ne remplace pas une vraie remise à niveau. L’électricité, ce n’est pas l’endroit où on joue au plus malin : mieux vaut faire intervenir un pro plutôt que de compter sur la chance.
Astuce de pro : vérifier le déclenchement du différentiel
Même si ce n’est pas directement un test de terre, votre disjoncteur différentiel 30 mA est votre meilleur garde-fou en cas de défaut d’isolement.
Au moins une fois par trimestre :
Ce test simule un défaut de fuite à la terre. S’il ne déclenche pas, c’est comme un parachute qui ne s’ouvre pas : on n’attend pas le prochain saut pour s’en occuper.
Quand faut-il absolument faire appel à un électricien ?
Voici quelques cas où on arrête les expérimentations maison et on passe le relais :
Un électricien pourra :
C’est un budget, c’est sûr. Mais entre ça et risquer sa peau à chaque fois qu’on touche un appareil, le calcul est vite fait.
En résumé : un multimètre, un peu de méthode, et beaucoup de prudence
Tester la prise de terre avec un multimètre, ce n’est pas réservé aux électriciens. Avec un outil correctement réglé, quelques règles de sécurité et une approche méthodique, vous pouvez déjà :
Mais gardez toujours en tête :
Au final, c’est comme tous les travaux autour de la maison : savoir contrôler, comprendre ce qui se passe derrière les murs, c’est déjà reprendre la main sur son installation. Et si vos premiers tests révèlent quelques faiblesses, dites-vous que c’est toujours mieux de les avoir découvertes dans le calme du salon, multimètre en main, plutôt que sous la forme d’une bonne décharge au mauvais moment.
Prenez soin de votre installation électrique comme de vos outils : bien entretenue, bien contrôlée, elle vous le rendra en silence, jour après jour… sans faire d’étincelles.


